Article publié le 10 février par l’Express signé par (Express Yourself)
François Hollande a annoncé la création d’une agence de développement économique, destinée à encourager la création d’entreprises et d’emplois dans les quartiers prioritaires. Douze acteurs de terrain s’associent dans une tribune pour définir ses enjeux. 
Le président de la République a annoncé, le 5 février, la création d’une « Agence nationale de développement économique » dans les territoires, avec pour objectif, en particulier, de susciter la création d’entreprises et l’accès à l’emploi. Nous, acteurs de terrain, nous réjouissions de cette décision de principe, et souhaitons que les entrepreneurs des quartiers soient pleinement associés à la création comme au pilotage de l’Agence. C’est à cette condition que l’Agence pourra faire vraiment la différence sur le terrain!
La marginalisation économique qui frappe certaines parties du territoire, et notamment les zones urbaines sensibles, s’est aggravée depuis la crise financière. Cette situation, source d’inégalité et d’injustice, est une menace pour la cohésion nationale. Elle prive l’économie nationale de la contribution des habitants de ces territoires, riches de talents et de créativité. C’est pourquoi l’initiative économique doit permettre que la banlieue soit perçue et se perçoive davantage comme pourvoyeuse de talents et source de dynamisme: en complément de la rénovation urbaine et du renforcement de l’école, l’enjeu clef maintenant doit être l’inclusion économique des jeunes.
« Un opérateur dédié aux entrepreneurs des quartiers »

C’est cette priorité que devra incarner l’agence nationale. On dira « pourquoi un acteur de plus? ». C’est vrai que de nombreux opérateurs publics – la Caisse des dépôts, Bpifrance, les agences de développement régionales, les CCI, Pôle emploi, etc. -, d’une manière ou d’une autre, soutiennent la création d’entreprises et l’accès à l’emploi. Mais aucun ne se consacre spécifiquement aux entrepreneurs des quartiers. Or si l’entrepreneuriat des zones urbaines fragiles présente de nombreux points communs avec celui des autres territoires, il a aussi des spécificités fortes.

D’un côté, on le sait peu, la dynamique entrepreneuriale est plus forte dans les quartiers. Mais, de l’autre, les entreprises y sont plus fragiles et leur durée de vie plus courte. Selon une étude citée par le rapport Bert-Laforestrie en 2013, 25% de la population globale des ZUS, dont 54% des jeunes, désirent créer une entreprise. Mais sur cette partie pourtant motivée de la population, 24% estiment « ne pas en être capables », pour de bonnes ou de mauvaises raisons.

 

« Une passerelle avec les entreprises et les institutions financières »

 

Les entrepreneurs des quartiers sont confrontés à des problèmes de lien avec le monde économique, de financement, d’accompagnement, de locaux, d’accès aux marchés, etc., qui expliquent sans doute cette vulnérabilité particulière. C’est pourquoi plusieurs d’entre nous appellent, depuis longtemps, la création d’une instance dédiée qui doit se construire à partir des besoins des acteurs (cf. la note Terra Nova sur la fondation des quartiers[2]). Il faut qu’elle concentre l’action des dispositifs publics existants sur les quartiers. Elle doit aussi coordonner celle des différents partenaires – publics, mais aussi privés et associatifs – de la création d’entreprise et de l’accès à l’emploi dans les quartiers, dans le respect de l’autonomie de chacun, mais avec le souci de permettre le changement d’échelle des projets, de renforcer l’efficacité collective, et de boucher les « trous dans la raquette » qui perdurent.

L’Agence doit être une passerelle, un trait d’union, entre les entrepreneurs des quartiers, les entreprises et les institutions financières nationales. Il faut mobiliser de nouveaux investisseurs pour faire grandir les projets, faciliter l’établissement de partenariats d’affaires qui favoriseront la croissance, et donc l’emploi, dans les banlieues et ailleurs.

 

Par Yacine Djaziri, entrepreneur et président de la Nouvelle PME, Daniel Hierso entrepreneur et président du Réseau Outre-Mer Network, Laurence Lascary, entrepreneuse et présidente de la Fédération des jeunes producteurs indépendants, Majid El Jarroudi, entrepreneur social et délégué général de l’Agence pour la diversité entrepreneuriale, Victorin Gokpon, entrepreneur et créateur de centre d’affaires des quartiers, Mohamed Haddou, entrepreneur et président du club Creo Adam, Ouassim Ben Hariz, entrepreneur et Président du club NSM Entreprendre, Youness Bourimech, entrepreneur, Moussa Camara, entrepreneur, Nassurdine Haidari, entrepreneur social, Mamadou Toure, entrepreneur et Saïd Hammouche, entrepreneur social